Les parents, les enfants et le divorce
Nous abordons dans cette partie, un sujet d’une grande importance, car il concerne un grand nombre de famille. De plus en plus, le phénomène du divorce se répand dans une banalité qui peut faire froid dans le dos. Les adultes dans leurs conflits violents et répétitifs, se rendent difficilement compte des dégâts qu’ils peuvent causer à leurs enfants. Mon propos concernant ce sujet n’est pas de faire une méta analyse psychosociale du divorce et des multiples raisons qui le déterminent. Encore faudrait -il qu’il y est des études sérieuses et des recherches multidisciplinaires sur la question. L’objectif de ces constats est de trouver tout simplement les chemins le plus raisonnables et des solutions pratiques pour ne pas pénaliser les enfants. Chaque parent a le devoir d’aider ses enfants à accepter la transition afin de s’adapter à la réalité de la vie après l’éclatement de la cellule familiale.
Quand le couple n’a pas d’enfants, le divorce peut ressembler à une parenthèse qui se referme souvent brutalement, mais parfois doucement, et chacun reprend son chemin avec ou sans regrets. Généralement, le temps fini par cicatriser les blessures et défaire les liens d’attachement. Mais avec des enfants, le couple est lié à vie. Il est illusoire pour les parents de croire que l’on peut jeter le « bébé avec l’eau du bain ». Par instinct, un enfant aime aussi bien sa mère que son père. Il est cependant évident que la qualité de cet attachement dépend de la qualité des rapports que chaque parent entretien avec l’enfant.
Quand des conflits violents éclatent dans le couple et deviennent monnaie courante, les premières victimes sont les enfants. Ils se retrouvent coincés entre deux êtres qui sont très importants dans leur vie et ressentent par conséquent une profonde détresse. Certains couples en souffrance, impuissants de régler leurs problèmes comme des adultes responsables et matures, prennent à témoins leurs enfants et les obligent à prendre position en leur faveur. Ils ont font des armes pour détruire l’image de l’autre, pour le disqualifier et en faire un monstre. C’est le pire scénario qu’un enfant peut vivre, car il a besoin pour se construire de garder une bonne image de ses deux parents.
Même s’il est amené à prendre position, surtout en cas de comportements violents, cette détestation qu’il peut éprouver à l’égard d’un des parents lui coute énormément sur le plan de l’équilibre psychologique. Le tempérament anxieux peut alors trouver un terrain favorable pour éclore, se développer et souvent déstructurer encore plus l’enfant, qui finira souvent par développer une personnalité fragile et instable.
Même si in fine, la séparation s’avère une nécessité pour éviter une souffrance qui devient de plus en plus intolérable, les parents doivent néanmoins garder en vue l’équilibre émotionnel des enfants, surtout s’ils sont encore petits. En général se sont les mamans qui obtiennent la garde des enfants. Si c’est le cas, souvent les pères restent très discrets et ne s’impliquent pas vraiment de façon active dans l’éducation et la vie scolaire et sociale de leurs enfants. Cette implication ne doit pas être que sur le plan matérielle et de façon autoritaire, mais elle doit aussi intégrer le côté affectif. Le père est avant tout un (re)père, et son rôle est irremplaçable.
Pour beaucoup, le divorce est l’aveu d’un échec d’une relation qui n’a pas permis de concilier deux personnes ayant accepté de faire consciemment ou parfois inconsciemment des enfants. Mais aussi paradoxalement que cela puisse paraitre, on peut réussir son divorce, si on ne fait pas tout pour utiliser les enfants comme un lien toxique afin de régler ses comptes à l’autre et démembrer tous les liens utiles. Il est dangereux et même déstructurant de diaboliser l’autre pour justifier la situation de blocage à laquelle le couple a abouti.
Quand la rupture devient inéluctable et non négociable, il faut prendre de la distance avec ses émotions et faire une pause pour dialoguer avec sa conscience. Le couple parfait n’existe pas, et même si on a beau vouloir essayer de changer l’autre, rien n’y fait. Tant qu’il existe des compensations raisonnables, la vie commune peut être supportable, mais quand les choses deviennent inacceptables dans leurs répétitions et leurs aberrations, il faut admettre et accepter son impuissance à changer l’autre.
C’est cette acceptation qui nous délivre de notre soumission à la tyrannie de nos états émotionnels pénibles et stressants. Ce cheminement dans la réflexion sage et responsable peut aider à vider le sac de nos émotions de toutes leurs décharges toxiques. Quand on est aveuglé par les émotions on entretient au fur et à mesure la guerre des égos. Chacun de son côté fini par adopter la stratégie du pourrissement et « du tout à l’égout » pour ainsi dire, et rendre coup pour coup.
Cette surenchère est très pénible pour les enfants qui ne savent plus quoi penser et comment se comporter. Les faits et l’expérience montrent que moins les parents sont dans la diabolisation de l’autre, mieux les enfants se portent. Les parents ont le devoir de ne pas verser de l’huile sur le feu des émotions douloureuses en pleine ébullition. C’est souvent un mélange de vécus de tristesse, de confusion, de culpabilité, de peine, de colère, de sentiments d’être déloyal envers un des parents, d’angoisse d’abandon et de perte des repères, d’amertume, d’impuissance, de rage et bien d’autres émotions destructrices sur le plan narcissique.
Chaque parent a le droit de refaire sa vie comme il l’entend s’il respecte l’intérêt des enfants loin de petits calculs. Il est important pour cela d’établir des règles simples et de les respecter concernant le rôle de chacun, ses droits et ses devoirs sans trop de décharges émotionnelles négatives et de sensibleries débordantes. La stratégie de l’équilibre dans le respect de l’autre est un investissement qui finira par adoucir le sentiment d’abandon que peuvent ressentir la plupart des enfants après une séparation avec un de leurs parents
Evidemment, quand les rapports dans le couple deviennent tendus, voire violents, les enfants même en bas âge ne sont pas dupes et imaginent les pires scénarios. Il faut avoir le courage et la sincérité de leur expliquer selon leur capacité de compréhension et leur sensibilité la situation de façon dépassionnée. Ils peuvent plus facilement intégrer sur le plan psychologique cette étape si les deux parents s’y mettent soit ensemble soit individuellement sans systématiquement rejeter la faute sur l’autre. Les deux parents doivent accueillir et accompagner réactions émotionnelles avec beaucoup de tact. C’est en dialoguant et en expliquant sans trop rentrer dans les détails que la transition peut se faire sans trop de souffrance.
Il faut bien avoir présent à l’esprit que les enfants sont des êtres sensibles, même s’ils s’efforcent de se blinder psychologiquement en montrant qu’ils supportent les événements de façon tout à fait banale. En réalité, un enfant sort rarement indemne après un divorce déchirant et qui demeure conflictuelle de façon permanente, même des années après. Les cabinets des psychologues regorgent de patients écorchés vifs suite à une enfance instable avec des parents toxiques.
Globalement, pour bien réussir l’éducation des enfants, la chance ne suffit pas et encore moins l’improvisation. Il appartient aux deux parents de s’investir et de consacrer du temps et de l’attention. C’est encore plus vrai quand les parents se séparent car les risques de l’avènement de troubles du comportement justifient largement les préoccupations qu’ils peuvent pressentir.
Certains facteurs de risque peuvent être évités afin de réduire le choc et augmenter la résilience des enfants. Parmi les facteurs qui peuvent les fragiliser, on retrouve la durée et la violence des hostilités entre les parents, la mauvaise qualité des relations parents-enfants, l’implication négative des grands parents ou d’autres membres de la famille des deux côtés, le manque d’organisation et de collaboration pour la gestion des moments de tension… Il faut vite apprendre à gérer les conflits et trouver des solutions consensuelles. Il faut aussi considérer avec sérieux et de façon bienveillante son rôle parental, en entretenant dans la durée des relations chaleureuses et affectueuse avec ses enfants. Il ne faut pas non plus considérer au premier degré les remarques ou conseils venant des proches comme étant systématiquement des reproches, ils s’avèrent parfois très utiles. Il est aussi important de garder toute la lucidité de l’analyse logique et réaliste, loin des réactions émotionnelles intempestives, pour agir de façon constructive dans l’intérêt des enfants.
Il est maintenant établi par beaucoup d’études sur la question, que l’impact négatif du divorce sur les enfants est réel. Il est vrai que dans les situations de conflits permanents et de violences terrorisantes, la séparation peut souvent représenter une délivrance et un grand soulagement aussi bien pour les parents que pour les enfants. Mais la plupart d’entre eux vivent au fond d’eux même cette séparation comme un déchirement. Le fait de voir un de leur parent quitter le domicile familial, nourrit leur peur de se retrouver délaissés et abandonnés.
Globalement les recherches en psychologie montrent que les troubles du comportement sont l’une des conséquences rapidement visible. L’agressivité, l’hyper activité, les troubles alimentaires, les conduites ordaliques (comportements à risque) ou d’auto destruction et d’auto punition, surtout chez les adolescents, peuvent constituer quelques exemples édifiants de cette souffrance. Sur le plan cognitif, nous pouvons constater parfois une baisse du rendement intellectuel, des échecs répétitifs, et un décrochage scolaire, même chez de bons élèves. Une faible adaptation sociale peut aussi constituer la trame de certains troubles comportementaux.
Les conclusions de plusieurs recherches dans ce domaine pointent du doigt la dérégulation des émotions. Plus tard être cette instabilité émotionnelle, constituera la source des troubles anxieux comme la dépression, les troubles compulsifs, l’impulsivité et les comportement d’évitement. C’est aussi la cause de complications psychopathologiques de l’attachement comme par exemple la peur de l’abandon, la méfiance et le manque de confiance à l’égard des autres et un sentiment de mal être permanent…
C’est notamment pour toutes ces raisons que l’attitude des parents au cours du divorce représente des enjeux particulièrement sérieux et des défis d’une grande importance pour l’avenir des enfants. C’est un fait rare que les parents cherchent à savoir ce que les enfants pensent et ressentent par rapport aux événements et aux changements familiaux qui se déroulent sous leurs yeux. Si on ne leur donne pas l’occasion, les enfants évitent systématiquement d’aborder spontanément le sujet du divorce de leurs parents.
De toute évidence, certains parents conscients des risques liés à la séparation du couple et sensibles à l’équilibre psychologique de leurs enfants cherchent la meilleure façon de limiter l’impact du choc. Beaucoup de solutions existent afin de prévenir les problèmes à long terme et favoriser l’acceptation chez les enfants. Les travaux qui sont de plus en plus abondants, offrent une base de connaissances et de savoir-faire qui permettent d’enrichir notre compréhension pour que les parents trouvent les conseils sérieux et utiles ainsi que des outils efficaces auprès des professionnels. Ils évitent de ce fait les facteurs de risque, et favorisent au maximum les facteurs de protection. L’objectif des parents en fin de compte est de donner toutes les chances à leurs enfants pour accepter la transition et de continuer de vivre dans des conditions raisonnablement acceptables.