Les Phobies

Etymologiquement, le terme phobie découle du mot grecque φόβος (phobos), qui renvoie à une peur intense avec évitement d’un objet ou d’une situation. La peur est une sensation que chaque individu peut ressentir, (on peut avoir peur de parler en public, des examens, on peut craindre le vertige, la vitesse….).

Néanmoins, lorsque cette peur est synonyme de souffrance intense et devient paralysante, au point que la simple évocation orale ou visuelle d’un stimulus fait frémir, on peut penser à un trouble phobique. Sur le plan psychopathologique, la phobie fait partie des troubles anxieux, se traduisant par une angoisse irraisonnée et incontrôlable (ou difficilement contrôlable), d’intensité disproportionnée par rapport à la dangerosité de l’objet ou situation.

L’angoisse est manifeste en présence de l’objet ou de la situation, et s’apaise en cas d’absence du stimulus phobogène. Souvent, le patient reconnaît le caractère absurde de sa crainte mais ne peut pas la maîtriser. Il en résulte des conduites d’évitement caractéristiques qui se situent au-delà du contrôle volontaire, ou bien le développement de stratégies de réassurance par des objets contra-phobiques.

La gêne ou la souffrance occasionnées par ce trouble dépend du type de l’objet phobogène et de l’intensité des comportements d’évitement. Le DSM IV (APA, 1994) décrit trois types de phobies :

– les phobies d’espace : agoraphobie (avec ou sans attaque de panique),

– les phobies sociales,

– les phobies spécifiques (auparavant phobies simples). 

1.Agoraphobie

Ce trouble phobique doit être diagnostiqué dans le cadre de la présence ou l’absence d’un trouble panique (agoraphobie avec ou sans trouble panique)

– sur le plan épidémiologique : l’agoraphobie a une prévalence de 8-20% en population générale, avec une nette prédominance pour le sexe féminin (80%). Elle survient entre 18 et 35 ans, souvent en association avec un tableau symptomatique complexe dont des signes anxieux, dépressifs, obsessionnels, hypocondriaques, hystériques…

– sur le plan clinique : l’angoisse est déclenchée par un lieu ou une situation d’où il serait difficile de s’échapper en cas de problème, et dans lesquels aucun secours n’est envisageable en cas d’attaque de panique ou de symptômes anxieux. Plusieurs variantes peuvent exister isolément ou en association (ponts, tunnels, grands magasins, lieux clos ou fermés, avion, métro, foule, espaces vides…)

– sur le plan du diagnostic différentiel, il est parfois difficile de la distinguer de l’anxiété généralisée ou de l’anxiété anticipatoire du trouble panique, néanmoins, dans l’agoraphobie l’entretien clinique met en évidence au moins un stimulus phobogène.

– sur le plan de l’évolution, en cas de non traitement, l’agoraphobie aboutit souvent vers une extension des situations phobogènes, une restriction sociale de plus en plus invalidante, une décompensation dépressive, une anxiété généralisée, et une alcoolisation à but anxiolytique et désinhibiteur.

2 Phobies sociales

 Ce sont des pathologies fréquemment rencontrées et souvent à l’origine de conduites d’alcoolisation ou de prise de médications anxiolytiques. Elles regroupent les phobies sociales proprement dites, l’anxiété de performance, le déficit d’affirmation de soi, et les personnalités évitantes.

La prévalence vie entière aux USA, selon le DSM-III, est de 2±3% (Bourdon et al. 1988 ; Schneider et al. 1992). Approximativement, le même pourcentage est retrouvé en Europe (Wittchen et al. 1992  ; Lindal et al. 1993). En appliquant des critères méthodologiques stricts, Narrow et al. (2002) estiment la prévalence dans la population générale à 2,1%.

Sur le plan clinique, les phobies sociales sont liées à la relation à l’autre, et plus particulièrement au regard d’autrui avec l’impression d’une considération ou d’un jugement négatifs. Cet état est motivé par une peur permanente de se comporter de façon inadaptée, voire humiliante. La confrontation à ce genre de situation déclenche systématiquement une réaction anxieuse d’intensité variable pouvant atteindre des seuils d’anxiété élevés, et parfois un tableau d’attaque de panique.

L’exposition est d’autant plus pénible qu’elle s’accompagne souvent d’une peur de rougir, de bafouiller, de ne pas trouver les mots pour s’exprimer, etc. Une anticipation anxieuse est souvent vécue en amont d’une confrontation éventuelle ou réelle, avec manifestation d’une symptomatologie physique et des perturbations sur le plan cognitif.

L’intensité de l’anxiété et les stratégies d’évitement développées témoignent du degré de gravité de cette affection. La symptomatologie peut atteindre des seuils tels que sur le plan social, affectif et professionnel, le trouble finit par constituer une grande souffrance liée à un isolement majeur. Les situations qui peuvent constituer des stimuli phobogènes sont très variables, mais font invariablement intervenir le regard ou l’attention de l’autre, (parler en public, écrire, manger, …).

A la frontière de ce trouble, nous pouvons retrouver l’anxiété de performance relative à la crainte de ne pas être à la hauteur de la situation, et l’eurotophobie qui se définit par la peur de rougir en public. Cette frontière n’est pas bien définie entre timidité, personnalité évitante et phobie sociale, mais les conséquences fonctionnelles de la timidité sont souvent assez limitées, et des facteurs de réassurance peuvent aider à la soigner.

Mais la personnalité évitante au sens psychopathologique du terme est plus difficile à traiter, car elle traduit un état de renoncement plus ou moins précoce et durable aux situations impliquant des relations sociales.

Sur le plan de l’évolution, en l’absence de tout traitement, ce trouble évolue vers un état de chronicité et de comorbidité avec d’autres troubles psychiatriques (dépression, trouble anxieux généralisé, dépendance alcoolique,…)

Sur le plan du diagnostic différentiel, le trac se différencie par le fait que dans ce cas l’anxiété est surmontable, et qu’il n’existe pas vraiment d’évitement proprement dit. L’agoraphobie peut aussi poser un problème de diagnostic différentiel, avec parfois une association des deux troubles.

Enfin, certaines formes de phobies sociales généralisées survenant sur fond de personnalité évitante, doivent être distinguées d’un retrait psychotique, même si sur le plan psychopathologique il existe une nette souffrance due à l’isolement, présente chez le phobique et absente chez le psychotique.

3 Phobies spécifiques (ou phobies simples) 

         Dans cette catégorie de phobies, l’angoisse se fixe sur un objet dit ‘‘phobogène’’ qui peut être un animal (chien, chat,…), un insecte (fourmi, papillon, araignée,…), un élément naturel (orage, tonnerre, éclair, eau,…) ou encore un objet potentiellement dangereux (couteau, ciseaux,…). La phobie du sang et des injections doit être considérée à part, car elle est associée à des réactions physiologiques intenses (hyper stimulation vagale), et serait favorisée par une vulnérabilité familiale. La liste de ces objets ou situations est très longue.

Sur le plan épidémiologique, la prévalence est globalement estimée à 8%. Elles sont d’apparition précoce et peuvent remonter à la petite enfance.

Sur le plan de l’évolution, les phobies spécifiques ont un pronostic plutôt favorable. Néanmoins, une extension à d’autres objets ou situations est possible, conduisant à des comportements d’évitement de plus en plus étendus et invalidants comme la phobie des transports, de l’avion, de la conduite….

Sur le plan du diagnostic différentiel, elles sont à différencier des pseudo-phobies ou phobies symptomatiques et d’autres troubles psychopathologiques, comme les obsessions phobiques ou les phobies d’impulsion qui font partie des troubles obsessionnels où l’angoisse ne se cristallise pas spécifiquement sur un objet ou une situation, mais plutôt sur la finalité de l’acte que cet objet peut potentiellement induire.

Il faut noter cependant que le comportement d’évitement n’est pas anxiogène puisque la peur demeure même en dehors de l’objet (ex. obsession phobique de certains agents pathogènes comme les virus, les bactéries, les microbes….). Elles sont aussi à distinguer de certaines formes de pseudo-phobies schizophréniques où le stimulus phobogène apparaît comme bizarre, ou apparaissant dans un contexte délirant.

Les comportements d’évitement sont par ailleurs très peu efficaces sur la symptomatologie anxieuse qui est massivement importante.

 

On distingue trois approches théoriques explicatives principales :

La théorie psychanalytique : l’objet ou la situation qui devient sans raison apparente source d’angoisse, remplace un autre objet dont la représentation a été refoulée.

La théorie de l’apprentissage ou comportementale : l’objet phobogène résulte d’un conditionnement.

La théorie cognitive : propose des modèles qui mettent en avant des dysfonctionnements du traitement de l’information, à partir de schémas cognitifs de danger acquis de façon précoce et stockés dans la mémoire à long terme.

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