Enfance et Ecran

Enfance et Ecran

Le problème des écrans devient réellement sérieux pour la société et particulièrement dans les rapports inter-individuels à l’intérieur même de la cellule familiale. Les enfants sont de plus en plus touchés par ce comportement addictif que la plupart des parents banalisent. Certains vont même jusqu’à s’émerveiller devant la dextérité de leur petit bambin à peine âgé de quelques mois. Ils sont fiers devant ses exploits intellectuels et ses performances digitales précoces.
Pour beaucoup de parents censés être des modèles pour leurs enfants, l’usage des écrans devient incontrôlable pour eux même. Par imitation, la fascination des enfants devant les tablettes et les téléphones portables devient insupportable et pour cause.
Cette “pandémie” qui touche particulièrement les enfants, tout âge confondu, est vraiment prise au sérieux par les spécialistes de la santé mentale de l’enfant. Actuellement, il existe il y a une prise de conscience accrue de ce phénomène et des conséquences qu’il peut engendrer. On assiste de plus en plus à un grand nombre de travaux scientifiques, de conférences, de rencontres entre les experts en neurosciences, en psychopathologie et autres spécialités de l’enfance, ainsi que la parution de livres et de revues pour le grand public.

Les expert en la matière sont unanimes pour tirer la sonnette d’alarme. De ce fait, les contours d’un consensus se dessinent de plus en plus clairement pour établir des recommandations pour le bon usage des écrans chez l’enfant.

Bien évidemment, les parents et plus globalement les éducateurs sont au cœur de cette bataille. Dans cette perspective, il faut savoir avant de pouvoir. Sur le plan développemental, un bébé vient au monde avec un patrimoine génétique déterminé. Sur le plan cérébral, les étapes de la maturation obéissent à des conditions pour pouvoir passer normalement à l’étape suivante.
L’enfant arrive à la vie avec environ 90 milliards de neurones qui sont prêts à établir des milliers de connexions pour aboutir à un réseau d’une densité extrêmement complexe. C’est la richesse des stimulations qui est déterminante. Qu’elles soient auditives, visuelles, tactiles, gustatives, verbales, affectives, émotionnelles entre autres, la densité et la qualité de ces stimulations vont influencer cette période critique du développement.

Imaginez la qualité du développement d’un enfant, qui dès sa plus tendre enfance est mis en face d’un écran de télévision pendant des heures et des heures. Imaginez les entendre une musique redondante, des sons invariables, des images stéréotypées, des contenus très pauvres en stimulations humaines. Ce sont là quelques ingrédients qui vont miner leur développement harmonieux.

Certains troubles envahissants du développement (TED), sont aggravés par ces situations. Dans sa relation précoce avec le monde environnant, un enfant n’a pas seulement besoin d’être propre et bien nourri, il a surtout besoin qu’on s’occupe de lui au sens large du terme.

Parfois les contraintes liées au travail, aux tâches ménagères, aux soucis personnels, un conjoint présent mais qui brille par son absence, font que certaines mamans négligent ces instants privilégiés d’échange et de partage . Pourtant de l’avis de tous les spécialistes, ces interactions sont essentielles pour un développement à la fois harmonieux et structurant de l’enfant.

Elever puis éduquer un enfant demande une réelle présence des deux parents, chacun étant indispensable pour le rôle qu’il doit réellement tenir.
Quand les ingrédients basiques d’une bonne relation sont absents, il devient alors facile pour l’enfant comme pour les parents d’user et d’abuser des écrans.

Ce que certains considèrent comme étant la ‘‘nounou au moindre coût’’, s’avère en réalité un mauvais coup qu’on porte à l’enfant. A cet âge, il n’a pas encore acquis la capacité de contrôler ses envies, et ça peut plus tard couté très cher à la famille et à la collectivité.

Quasiment chaque famille ou presque est touchée par ce phénomène. La plupart d’entre elles, peinent à établir des règles de fonctionnement familial. Elles parviennent difficilement à avoir des moments d’échanges et de discussions incontournables et non négociables dans la journée ou la soirée.

Au fait, une des solutions consiste par exemple à tout faire pour convenir d’un jour dans la semaine sans écrans ou très peu. Tout le monde doit pour ainsi dire participer à une activité familiale bénéfique pour tous.
Tout récemment, les résultats préliminaires d’une importante et sérieuse étude américaine, sur l’effet des écrans sur le cerveau des enfants et des adolescents ont été publiés.
Cette étude va être continuée en incluant plus de 11000 enfants avec un coût de 300 millions de dollars. Elle pour objectif d’étudier à long terme, les effets des écrans sur le développement du cerveau d’un point de vue neurophysiologique et neuropsychologique, particulièrement chez l’enfant et l’adolescent.
Plus concrètement dans ce travail scientifique, jamais réalisé auparavant, les chercheurs essayent de répondre à une question que se posent beaucoup de parents et qui n’est pas encore tranchée d’un point de vue scientifique. Quelles sont les conséquences de l’usage des écrans, en intégrant la variable du temps passé, sur le développement du cerveau des enfants ?

D’un autre côté, elle s’attache à déterminer l’impact sur leur développement émotionnel, et leur santé mentale en générale.

Une des hypothèses à laquelle les chercheurs ont déjà tenté d’apporter des réponses, c’est de déterminer si effectivement les écrans sont responsables de l’amincissement du cortex cérébral. Le cortex est la couche extérieure du cerveau. Il est impliqué dans les fonctions cognitives supérieures comme la mémoire, le langage, la perception, le contrôle, la prise de décision, la planificaion…

Cet amincissement peut-être l’indice d’une détérioration des fonctions cognitives qui traitent les informations en provenance des cinq sens. Ils ont montré qu’il existait chez les utilisateurs intempestifs des écrans des particularités à partir des premiers résultats de l’étude du scanner de 4500 enfants.
Ils ont ensuite analysé le scanner d’enfants âgés de 9 et 10 ans, qui utilisent pendant plusieurs heures par jour des écrans tels que les tablettes, les Smartphones, ou les jeux vidéo. Ils ont constaté un amincissement prématuré au niveau du cortex. Il est vrai que ces résultats doivent être consolidés par des résultats de suivi pour déterminer à long terme, les conséquences réelles sur le cerveau .
Par contre ce qui va dans le sens d’un impact délétère sur le cerveau, c’est le fait que les enfants qui passent plus de deux heures par jour devant des écrans, obtiennent de mauvais scores aux tests du langage et des épreuves de logique.
Cette étude essaie de montrer aussi sur des bases neurophysiologiques si l’usage important et répétitif des écrans peut générer des mécanismes de dépendance neurobiologique en faveur d’un comportement addictif, tel que l’on retrouve dans les conduites addictives à une substance toxique.
Dans cette étude au long court, les chercheurs essayent d’établir par ailleurs chez un groupe d’adolescent des deux sexes, s’il existe un lien entre des comportements d’automutilation et l’utilisation exagérée des réseaux sociaux comme Instagram ou Facebook. Ils ont fait passer des examens d’IRM à ces jeunes pendant qu’ils étaient connectés à ces réseaux pour évaluer l’impact sur le fonctionnement mental.
Cette hypothèse est justifiée par des faits observés cliniquement. En effet, des statistiques émanant des services des urgences médico-chirurgicales, montrent que les comportements d’automutilation ont triplé chez les filles dans la tranche d’âge de 10 à 14 ans. Le point commun à cet échantillon est l’utilisation exagérée des Smartphones, ainsi qu’une consommation immodérée des réseaux sociaux.
Récemment, un jeu en ligne intitulé « poisson bleu », a défié la chronique et terrorisé beaucoup de parents. Beaucoup de cas d’automutilation et même de suicides d’enfants et d’adolescents ont été rapportés. Ce jeu fondamentalement, manipule de façon graduelle les enfants ayant une personnalité fragile. Il teste au fur et à mesure les limites jusqu’à un point de non-retour qui fait éclater toute capacité de contrôle et de raisonnement.
Une des explications de ces phénomènes de pertes de contrôle, serait que Le Smartphone favoriserai l’activation des circuits du plaisir et l’émanation de certaines pulsions. Il a un effet addictif car le temps passé devant un écran stimule la libération de la dopamine, le neuromédiateur  du plaisir.

Selon une étude française menée par l’Inserm, l’exposition des enfants de moins de 3 ans aux écrans est de plus en plus précoce et de plus en plus répétée.
Parois dès l’âge de 12 mois, les nourrissons sont biberonnés aux écrans. D’après cette étude deux-tiers des tous petits, regardent en effet la télévision chaque jour, et 20% jouent avec une tablette ou un Smartphone au moins une fois par semaine. Ces pratiques qui deviennent ensuite des habitudes nuisibles à la santé sont à éviter. Certains pédopsychiatres préconisent de ne pas exposer un enfant de moins de 3 ans aux écrans.

La question cruciale que se posent beaucoup de parents qui ont finit par prendre conscience du phénomène, c’est comment aider un tout-petit à “déconnecter”. Que faut-il faire alors que l’enfant a déjà pris l’habitude de jouer derrière un clavier ?
Quel model de parents cherche t-on à être ?
Globalement, le comportement des parents est un indice très important pouvant expliquer le comportement des enfants. En matière d’utilisation des écrans, les habitudes doivent d’abord changer du côté adultes. Selon le pédopsychiatre français Daniel Marcelli, “il faut que les parents prennent conscience de leur influence. Sans vouloir les culpabiliser, les parents ne sont pas neutres dans l’affaire. Il faut savoir que les enfants, de 6 mois à 3 ans, sont naturellement attirés par la chose qui intéresse les adultes, car les parents sont un modèle”, souligne-t-il.

Ainsi, l’enfant a tendance à imiter les adultes et particulièrement les parents. Si les parents sont, de manière répétée et durable, suspendus à leur téléphone ou à leur tablette, l’enfant aura les mêmes comportements. De fait, il faut éviter au maximum de ne pas utiliser le téléphone de manière excessive devant les enfants.
Les véritables enjeux ce sont les jeux partagés, nécessaires au développement. L’enfant ne peut se développer de façon harmonieuse que s’il est en interaction avec le monde réel, en trois dimensions, et de préférence avec un être humain. Le bébé a besoin que son cerveau soit stimulé de différentes façons. Ce qui lui permet de faire travailler les cinq sens, et favoriser le bon développement du cerveau. Donc ces écrans sont du temps volé à toutes stimulations”, explique le Dr Anne-Lise Ducanda, membre du Collectifs Surexposition Ecrans.

L’étude de l’Inserm/Ined, réalisée en France rapporte que la moitié des enfants qui regardent chaque jour la télévision, le font pendant moins de 30 minutes. Pour le pédopsychiatre D. Marcelli, ce temps doit être encore revu à la baisse : il est vivement conseillé selon lui, de supprimer tout écran avant 6 mois, de regarder pas plus de 4 minutes par jour entre 6 et 18 mois, et pas plus de 10-15 minutes entre 18 mois et 3 ans. Il recommande par ailleurs de ne pas le laisser seul devant l’écran.

La présence d’un adulte pendant ces instants consolide le lien à la réalité et permet de commenter après, avec lui les images, afin de maintenir « le lien humain », et évacuer tout fantasme de peur, de violence, de puissance magique, ou toute autre émotion négative.

La règle du 3-6-9-12

D’un autre côté, le psychiatre Serge Tisseron a établi la règle “3-6-9-12”, qu’il résume ainsi : « pas d’écran avant 3 ans, ou du moins les éviter le plus possible; pas de console de jeux avant 6 ans; pas d’Internet avant 9 ans; et Internet seul avec prudence à partir de 12 ans ».

Par ailleurs les experts de la petite enfance recommandent, qu’il est indispensable de sacraliser certains moments de la journée, comme les repas ou le coucher, qui doivent rester des moments sans écran, riche en dialogue.
Il faut aussi Remplacer le plus possible le temps passé devant les écrans par des jeux avec l’enfant. Ceci est indispensable pour stimuler les capacités et les compétences psychosociales de l’enfant. Il faut prendre du temps pour faire des jeux partagés, car l’être humain se construit sur les relations différentes et intermodales soutient le psychiatre Serge Tisseron. “S’il joue tout seul, avec ses jouets, ce n’est pas plus structurant pour l’enfant”, souligne-t-il.

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